Aide-soignante à domicile ; s’insérer dans la routine du patient

Carla est aide-soignante dans le réseau d’aide à domicile de la Croix-Rouge, HELP. Tout en leur apportant les soins d’hygiène et du confort, Carla aime particulièrement discuter avec ses patients. Elle nous fait part de son quotidien et des motivations nécessaires pour réaliser ce métier à domicile.

Qu’est-ce qui vous a motivé à vous engager dans un cursus médical et à devenir aide-soignante ?

Carla : Je voulais travailler dans le social. J’ai fait mes études en Belgique, dans l’équivalent d’un lycée, à l’Institut Notre-Dame d’Arlon. Quand j’ai commencé la première année en cours professionnel dans l’option socio-familial, il fallait choisir entre puéricultrice et aide-soignante et j’ai tout de suite préférée aide-soignante parce que les enfants, ce n’est pas vraiment mon domaine. On commence déjà un cursus d’aide socio-familiale et la dernière année, on suit les cours pour devenir aide-soignante. Ces 3 années pour avoir mon diplôme d’aide-soignante étaient très intenses. Quand j’ai fait un premier stage, c’était à domicile et j’ai adoré. J’ai aimé aller vers le patient, discuter… quand j’étais petite, jamais je ne me suis dit que je serais infirmière ou un métier dans ce domaine. C’est une envie qui s’est présentée comme ça, sans vraiment faire quoi que ce soit pour en arriver là. J’ai grandi dans une famille où il y avait des personnes âgées parce que j’ai vécu avec mes grands-parents qui avaient une ferme. On avait nos voisins aussi… Et j’aimais bien être entourée par des gens plus âgés, et je le suis toujours d’ailleurs. Je pense donc que le fait d’être souvent entourée par des personnes âgées a pu me conduire dans ce domaine…

Aviez-vous fait plusieurs stages pendant ces années de formation ?

Carla : Oui. On a dû faire des stages pendant les 2 dernières années pour obtenir le diplôme. On devait en faire dans des services de soins à domicile, à l’hôpital ou dans un centre psychiatrique. Moi, comme j’habitais au Luxembourg, j’ai fait la plupart de mes stages au Luxembourg dont certains au Rehazenter et à domicile, et d’autres en Belgique, à l’hôpital Saint-Joseph d’Arlon et dans un service de psychiatrie à Virton. Mais ces 3 années sont vite passées !

Aujourd’hui, que pensez-vous de vos années d’études ?

Carla : Je ne regrette pas d’avoir suivi ce cursus. On me demande parfois la raison pour laquelle je n’ai pas suivi des études pour devenir infirmière. J’aurais pu parce que j’en avais les capacités mais quand j’ai fait mes stages pour devenir aide-soignante, ça m’a plu et j’ai préféré cette voie. Et comme je ne suis pas à l’aise dans un lieu fermé, quand j’ai fini mes études, je me suis directement tournée vers les soins à domicile.

Pour être aide-soignant, il faut avoir ce côté humain, de l’empathie, une certaine sensibilité et savoir écouter les gens. Ce que j’aime dans mon travail et qui, je pense, est une qualité, c’est que je discute, je socialise beaucoup avec les personnes à qui j’apporte des soins. Et j’adore ça ! 

Depuis combien de temps travaillez-vous et notamment pour HELP ?

Carla : J’ai d’abord eu un premier contrat avec une autre entreprise de soins à domicile pendant quelques mois puis j’ai rejoint HELP Croix Rouge en 2012 où je travaille toujours aujourd’hui. Et je ne changerai pas !

Quelles sont les qualités et les compétences personnelles qui vous permettent au quotidien de faire sereinement votre métier ?

Carla : Être humain, déjà. Pour être aide-soignant, il faut avoir ce côté humain, de l’empathie, une certaine sensibilité et savoir écouter les gens. Ce que j’aime dans mon travail et qui, je pense, est une qualité, c’est que je discute, je socialise beaucoup avec les personnes à qui j’apporte des soins. Et j’adore ça ! Je discute avec l’un puis je pars sur une autre visite et je parle avec le suivant… on finit un peu par rentrer dans la vie privée de chacun tout en gardant bien sûr notre place. J’aime bien. J’aime entendre les personnes âgées raconter des histoires d’avant, leur vie, leur vécu, la façon dont ils ont construit leur vie.

Comment faites-vous pour concilier l’aspect technique requis lors des soins et l’aspect humain ?

Carla : C’est naturel. Je ne vais pas chez un patient pour un acte uniquement, avec l’idée que je dois avoir terminé à telle heure. Ma démarche est différente. J’arrive chez le patient, je demande comment ça va puis je discute et en même temps, je fais la toilette, les soins, les soins d’hygiène… j’apporte les soins et les aides nécessaires sans me poser de questions. Tout en parlant d’autres choses, je propose au patient d’aller à la salle de bain ou de choisir les vêtements qu’il va porter ce jour-là et on prend un petit café quand le patient en a envie. Voilà, je suis comme ça. Parfois, je perds un peu de temps, mais je fais mon travail.

À combien de personnes apportez-vous des soins par jour ?

Carla : Ça dépend de la tournée, du temps qu’il faut passer avec chaque patient car en fonction des soins, il est nécessaire de rester plus ou moins longtemps à son domicile. Je vois environ 8 à 11 patients par jour. Le temps passé avec un patient dépend de son degré d’incapacité, de sa maladie, de la façon dont sa santé se dégrade… par exemple, une personne avec une sclérose en plaques, elle va tout doucement voir son état d’incapacité augmenter et donc, au fil des ans, elle aura besoin de plus en plus d’aide, de soins.

Qui sont les autres personnes qui s’occupent d’un patient à domicile ?

Carla : Je travaille dans une équipe qui comprend des infirmières, des autres aides-soignantes, des femmes d’ouvrage, des psychologues, des kinés, des ergothérapeutes.

Nous, les aides soignantes à domicile, sommes souvent les premières à nous rendre compte d’un changement de l’état de santé d’un patient.

Et comment savez-vous ce que vous avez à faire avec l’un ou l’autre patient ?

Carla : Quand notre équipe fait une prise en charge, l’infirmière relais avec qui nous sommes toujours en contact, établit la liste des besoins du patient. Cette infirmière transmet toutes les informations à notre antenne sous forme de plan de soins. Et nous, dès le premier jour puis à chaque passage chez le patient, on s’informe de ses besoins ; quels soins pouvons-nous faire ? qu’est-ce qu’on peut ajouter ou retirer au plan de soins ? Au fil du temps, si les besoins augmentent, on adapte ce plan et donc, on réajuste le travail à réaliser avec le patient.

Comment communiquez-vous entre collègues ?

Carla : On partage nos informations au moment des transmissions ; on peut voir ça comme nos réunions d’équipe. Pendant ce temps-là, on échange sur le plan de soins de chaque patient. Tout ce que nous avançons pendant les transmissions est retranscrit pour assurer un bon suivi du patient. Ça prend environ 30 minutes chaque jour, entre 13h30 et 14h. Chacun prend la parole, on parle des patients qui ont rencontré des problèmes, de la santé de chacun. On parle aussi de ceux qui rentrent d’hospitalisation. On note ceux dont la santé se dégrade ou s’améliore. On mentionne des choses comme l’apparition d’escarres, par exemple. Avant de partir en tournée, que ce soit le matin ou l’après-midi, on doit toujours regarder les transmissions. On communique aussi beaucoup par téléphone. Si on a des doutes, si on remarque un changement quand on arrive au domicile d’un patient ou que la santé de celui-ci s’est dégradée, on appelle nos collègues pour partager l’information et voir quoi faire. Parce que nous, les aides soignantes à domicile, sommes souvent les premières à nous rendre compte d’un changement de l’état de santé d’un patient.

Comment réagissez-vous en cas de forte dégradation ou d’une urgence ? Pouvez-vous faire appel à un médecin ?

Carla : En tant qu’aide-soignante, on ne peut pas agir ; ça n’entre pas dans nos attributions. Lorsqu’on constate un problème chez un patient, on appelle l’une des infirmières. Celle-ci vient au domicile du patient, évalue la situation et, si nécessaire, appelle le médecin. Si le patient a une prise en charge qui comprend l’administration de médicaments, ce qui peut arriver avec certains patients et notamment ceux qui n’ont pas de famille, et on voit que le patient n’est pas capable, nous pouvons tout de même appeler le médecin pour prendre un rendez-vous. On peut parfois aussi assurer le transport du patient chez le médecin pour sa consultation, aller lui chercher son traitement à la pharmacie et lui administrer ses médicaments.

Est-ce que vous réalisez d’autres tâches en extérieur avec certains patients ?

Carla : Oui, on fait des petites sorties avec certains d’entre eux. On les accompagne pour faire leurs courses. Enfin, je ne parle pas ici des personnes indépendantes ou qui ont une famille qui peut les aider. Là, ce sont les personnes qui ont un plan de soins bien spécifique et qui sont couverts par l’assurance dépendance.

Certains de nos patients souhaitent rester à domicile malgré leur état de santé et toute l’équipe les aide dans ce sens ; c’est un peu comme si on soutenait leur souhait de ne pas être placé en maison de soins.

Est-ce que vous travaillez de nuit ?

Carla : Non, on ne fait pas de nuit dans le réseau HELP. On travaille le matin ou l’après-midi jusqu’à 22h. Il y a une équipe de deux soignants, infirmières ou aides-soignants, pour les soins palliatifs qui travaillent jour et nuit. Pétange est intégrée dans la zone couverte par l’équipe qui assure ces soins dans le sud du Luxembourg. C’est une équipe de HELP appelée « ASK ». J’ai déjà pensé à faire partie de cette équipe de nuit mais actuellement, ce n’est pas possible pour moi compte tenu de ma vie privée ; j’ai une fille de 5 ans qui a besoin de sa maman. Mais ça ne me dérangerait pas de les faire de temps en temps et même d’essayer parce que je n’ai jamais eu l’occasion de travailler de nuit.

Et pouvez-vous vous imaginer travailler dans un service hospitalier ?

Carla : Je préfère travailler dans un service à domicile, même si le métier reste plus ou moins le même. Personnellement, j’ai une bonne condition physique et c’est important car notre activité est plutôt physique, surtout à domicile. Et je suis tout à fait à l’aise pour conduire quelles que soit les conditions météorologiques. Mais peut-être qu’un jour, si je suis moins à l’aise sur la route, je me déciderai à partir dans un service hospitalier. Mais pas pour le moment. En plus, je suis quelqu’un qui a besoin de bouger et qui n’aime vraiment pas rester cloîtrée à la maison. Et donc, avec mon métier, j’ai ce qu’il me faut ! Et même si je viens seule chez le patient, je sais que j’ai une équipe derrière moi qui peut m’aider en cas de soucis.

On passe beaucoup de bons moments avec les patients. J’adore prendre le café avec mes patients, c’est toujours un moment d’échange.

Qu’est-ce qui vous plait dans le secteur du domicile ?

Carla : Plusieurs choses en fait. Déjà, certains de nos patients souhaitent rester à domicile malgré leur état de santé et toute l’équipe les aide dans ce sens ; c’est un peu comme si on soutenait leur souhait de ne pas être placé en maison de soins. On s’assure que la personne conserve au maximum son autonomie et qu’elle puisse continuer à réaliser ses tâches au quotidien.

Aussi, avec notre travail, on entre un peu dans l’organisation des patients, dans leur quotidien tout en faisant bien attention à respecter leurs habitudes ; c’est à nous de nous adapter. Chaque visite reste unique et on n’entre pas vraiment dans une routine. En plus, je pense qu’on connaît peut-être mieux nos patients car on est seul avec eux. Ça fait 10 ans que je travaille dans ce service et je travaille à l’antenne de Pétange, là où j’habite. Je travaille donc à côté de chez moi et je connais beaucoup de monde dans le coin. Donc parfois, je vois mes patients dans la rue ou quand j’arrive chez certains, ils m’ont déjà croisé quelque part. Ce sont parfois des personnes que j’ai connues quand j’étais adolescente ou que je croise régulièrement à la boulangerie ou ailleurs. Ça rapproche et une relation de confiance se construit avec le patient et avec ses proches, souvent les enfants, qui sont rassurés de voir qu’on n’est pas loin pour prendre soin de leur parent quand ils ne sont pas là.

Quelle langue utilisez-vous dans vos échanges avec les patients ?

Carla : Je parle français et portugais. Et le luxembourgeois… c’est pas terrible ! Je suis arrivée au Luxembourg à 11 ans. J’ai intégré une classe qui ne comprenait que des migrants à l’époque. Tous les cours étaient en français. Puis je suis partie poursuivre ma scolarité en Belgique où tout est en français. Avec les patients, je n’ai pas de soucis. Ils m’apprennent beaucoup finalement, ils me corrigent quand je fais des fautes, me disent comment bien prononcer certains mots. Et même si je ne sais pas exprimer certaines choses en luxembourgeois, je vais tout de même essayer ou inventer un mot un peu pareil et souvent, ça fait rire le patient. Il peut me dire « ah mais c’est pas comme ça qu’on dit, tu ne sais pas parler ! Je vais te le dire et tu vas répéter ». C’est alors un bon moment de rigolade.

Avez-vous un message à transmettre à ceux qui souhaite devenir aide-soignant ?

Carla : Quand on s’engage dans ce métier, il faut aimer ce qu’on fait. Et pour savoir, il faut essayer. Moi, je ne connaissais pas ce métier avant de me lancer dans mes études. Et j’entendais des choses comme « aide-soignante, tu vas faire prendre les douches aux patients tous les jours, tu vas changer des protections »… et pourtant, il n’y a pas que ça ! Il y a des bons moments, on passe beaucoup de bons moments avec les patients. J’adore prendre le café avec mes patients, c’est toujours un moment d’échange. Il faut aimer ce métier pour bien le faire. Aussi, on a besoin de jeunes aides-soignants pour nous aider dans notre métier, des personnes qui veulent aider.