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Infirmier, un métier qui va au-delà du soins

19.01.2023
Claude est infirmier en soins généraux depuis 20 ans dont 14 dans le service de traumatologie du Rehazenter. Curieux de nature, ayant toujours soif de découverte, son métier lui permet de s’impliquer dans diverses activités, tout en prodiguant des soins aux patients de son service.

Quand vous étiez adolescent, qu’est-ce qui vous a motivé à vous engager dans un cursus médical et notamment à devenir infirmier ?

Claude : Au lycée technique, j’ai choisi le paramédical. Vu que j’ai toujours bien aimé travailler avec des personnes, que le contact humain m’était très important, je me suis orienté vers des métiers qui m’intéresseraient : éducateur ou infirmier. Après, j’ai fait des stages à différents endroits et j’ai découvert le volet médical, le volet social et le contact avec les personnes du métier d’infirmier. En étant éducateurs, j’aurais peut-être eu plus de contacts avec les jeunes. J’ai pu faire mes choix lors de différents stages et quand j’ai aussi été animateur en colonies de vacances et je travaillais alors avec les personnes handicapées. J’ai vu une partie du métier pendant mes passe-temps en fait. Mais infirmier, il y a aussi le volet médical et toutes les techniques de soins. Tout ça m’a bien plu.

Où avez-vous étudié et comment ça s’est passé ?

Claude : J’ai fait mes études à Luxembourg ville. Au début, c’était plutôt difficile parce qu’à l’époque, on passait de 5 jours de cours au lycée à 6 jours, donc aussi le samedi matin, à l’école d’infirmier en plus des stages. Ce changement n’était pas évident au début mais j’ai pris le rythme et j’ai rapidement noté les avantages de devenir infirmier et de faire des études. J’ai toujours été bien accueilli lors de mes stages par les infirmiers et les aides-soignantes qui m’ont entouré mais aussi les professeurs à l’école. Ils étaient toujours là pour nous. Ils nous apportent un grand soutien pendant nos études.

Quels sont les avantages que vous mentionnez ?

Claude : Quand je faisais un stage, j’avais toujours une forte envie de découvrir les suivants pour voir tout ce que je ne connaissais pas encore. À l’hôpital, tu fais ton stage dans un service ORL par exemple, tu découvres son fonctionnement, ses spécificités et 6 semaines plus tard, tu vas dans un service de cardiologie par exemple et c’est une nouvelle expérience. Pour quelqu’un qui est très curieux comme moi, c’est très enrichissant ! Tu vois que tu fais des études pour avoir un métier qui te plait et dont les chances de trouver un emploi sont très élevés. Ça, c’est vraiment motivant !  D’autres avantages ? On commence tôt le matin et donc, on finit plus tôt notre journée. Ce n’est pas négligeable si on veut profiter d’autres choses dans la vie.

Pendant les études, vous allez dans tous les services possibles où un infirmier pourrait pratiquer pour vous donner goût à tout ce que vous pourriez faire. C’est ça ?

Claude : Exactement, oui. On nous montre plein de choses, de services différents. On doit connaître un peu de tout et après, tu es libre de choisir la voie où tu souhaites aller. Tu ne vas peut-être pas immédiatement avoir le service et le poste que tu désires, tu évolues aussi avec le temps et moi, par exemple, j’ai toujours bien aimé le domaine du handicap et la rééducation. C’est le domaine dans lequel je travaille toujours aujourd’hui. Mais tous les autres stages constituent un complément par rapport à mon travail actuel. En ce moment, je travaille avec un patient qui a eu un accident, qui est en situation de handicap mais qui présente aussi un diabète. Donc voilà, c’est très important d’être passé par un service de diabétologie pour garantir sa prise en charge de manière optimale.

Dès vos stages, vous avez su que la voie en rééducation était la vôtre ?

Claude : Non, pas vraiment. Au début, la rééducation m’intéressait beaucoup mais en faisant un stage auprès des enfants handicapés moteur à l’IMC, j’ai préféré ce milieu. À la fin de mes études d’infirmier, j’ai donc commencé comme infirmier dans une institution pour les personnes handicapées, au tricentenaire, à Walferdange. Après quelques années dans ce foyer, je voulais suivre des cours en médecine tropicale parce que je voulais aussi m’ouvrir une option pour faire de l’aide humanitaire, j’avais ça en tête depuis mes études. Je suis donc allé à l’Institut de médecine tropicale à Anvers et je suis post-gradué en médecine tropicale, formation qui est très recommandée à tous ceux qui veulent s’engager dans l’humanitaire. Quand j’ai terminé ma formation, je voulais voir où je pourrais partir. Je n’ai pas trouvé tout de suite et comme je suis devenu papa dans ces moments-là, j’ai changé d’optique et je suis allé au Rehazenter où je travaille toujours actuellement. J’ai toujours eu un petit faible pour la rééducation. C’est toujours quelque chose qui m’a attiré.

Et pourquoi pas infirmier psychiatrique ?

Claude : C’est un choix personnel. Peut-être que la psychiatrie m’aurait intéressé aussi. Mais c’était plutôt le volet de la rééducation avec les prothèses, le fonctionnement, l’adaptation, le fauteuil roulant, de pouvoir aussi donner des avis au niveau de la commune pour adapter les trottoirs, par exemple. Ce sont des choses auxquelles je suis plus attentif. Un combat de fond plus poussé en quelque sorte…

healthcareers.lu
healthcareers.lu

Toutes ces techniques que vous utilisez aujourd’hui dans votre métier, elles sont déjà intégrées dans la formation d’infirmier ou vous les apprenez lorsque vous occupé un poste en rééducation ?

Claude : On apprend la base des techniques de soins à l’école. Je suis infirmier depuis 20 ans. Au fil des ans, il y a quand même certaines choses qui ont changé. Ce qui n’a pas changé, c’est l’hygiène ; dans toutes les techniques de soins, il y a une certaine hygiène à respecter. Il ne faut pas toucher les plaies avec des mains sales par exemple. Et comment faire ça ? Et bien, tu adaptes au terrain la technique de base apprise à l’école. Au fil du temps, certains protocoles changent bien sûr. Il y a d’autres produits, d’autres marques. Et tu découvres aussi certaines plaies que tu n’as peut-être pas été amenées à soigner lors de tes stages parce qu’il y a quand même énormément à voir dans notre métier. Donc les bases, on les apprend à l’école et le reste, sur le terrain ou lors des formations continues.

Ces formations continues sont-elles proposées régulièrement dans votre métier ? C’est vous qui en faites la demande ? Comment ça se passe ?

Claude : Certaines sont proposées par le Rehazenter, celles considérées comme importantes par la direction ou le service des ressources humaines, pour mettre à jour nos connaissances. Certaines sont obligatoires et d’autres, on a le choix de les suivre. Par exemple, la réanimation, c’est quelque chose qui nous est imposé, qu’on fait assez régulièrement au Rehazenter. Mais on peut s’inscrire à une formation sans y être « obligé », lorsque le sujet qui nous semble intéressant. Comme sur l’AVC par exemple. On y va pour compléter nos connaissances sur le sujet. Et on peut aussi choisir une formation spécifique, non proposée par le Rehazenter. Tu avances alors tes motivations ; le Rehazenter te soutient ou tu la suis avec tes propres moyens. C’est possible aussi.

Vous mentionnez la réanimation, l’AVC. Quel profil de patients soignez-vous au quotidien ?

Claude : Au Rehazenter, je travaille en traumatologie où nous avons beaucoup de patients amputés suite à un diabète ou parfois, à un accident. Nous avons des patients opérés pour la pose d’une prothèse de hanche ou de genou. Parfois, ce sont des personnes qui sont dans une situation vulnérable ou par exemple, qui ont un grand risque de chute. C’est donc préférable de les garder 2 ou 3 semaines en plus en rééducation pour qu’ils reprennent des forces avant de rentrer. Nous avons aussi une partie des patients qui ont passé un long séjour en service de réanimation suite à une pathologie ou à une opération et qui ont perdu beaucoup de force. Ils viennent chez nous pour en reprendre. Le but principal, chez nous, c’est toujours de retrouver le plus d’autonomie possible.

Je suis quelqu’un de très empathique et qui adore vraiment discuter avec les gens. Parler et aussi écouter et rester à l’écoute des gens.

Quelles sont vos qualités et compétences personnelles, en dehors de vos études, qui vous permettent d’être serein dans votre métier ?

Claude : Je pense que je suis quelqu’un de très empathique et qui adore vraiment discuter avec les gens. Parler et aussi écouter et rester à l’écoute des gens.

Concernant vos émotions, comment faites-vous pour les gérer face à une situation qui peut vous toucher, devant un patient qui perd une importante capacité physique, dont la vie est bousculée ?

Avec l’expérience, on apprend à avoir une certaine distance entre le travail et le privé. Ce qui est du domaine professionnel reste toujours au travail. Il faut avoir une très bonne équipe avec laquelle on travaille, de très bons collègues pour pouvoir gérer le quotidien. On voit tous les jours des choses qui ne sont pas belles, des situations difficiles. Mais si on travaille dans une bonne équipe, avec de bons collègues, avec lesquels tu peux discuter, pour moi, je pense que c’est le point le plus important pour pouvoir faire un bon travail. Et puis, il faut avoir un bon équilibre travail – privé. Dans ma vie privée, je suis bien occupée avec d’autres projets, avec la famille, les enfants, le sport. C’est l’équilibre entre le travail, avec les collègues et la vie privée.

 

On voit tous les jours des choses qui ne sont pas belles, des situations difficiles. Mais si on travaille dans une bonne équipe, avec de bons collègues, avec lesquels tu peux discuter, pour moi, je pense que c’est le point le plus important pour pouvoir faire un bon travail.

 

Est-ce que certains patients vous aident à gérer vos émotions ?

Claude : Oui, je pense que les patients qui évoluent favorablement, et il y en a une bonne partie chez nous, ça donne du courage et de la force pour travailler. Surtout ceux qui restent longtemps, je suis toujours content de voir leur progrès.

Est-ce que c’est la force de l’équipe qui fait que vous parvenez à surmonter, par exemple, le décès d’un patient ou des situations qui sont particulièrement difficiles ? Est-ce que l’équipe suffit ? Quelles sont vos ressources ?

Claude : Pour moi, l’équipe suffit. Mais c’est aussi l’équilibre entre la vie privée et le travail qui est important. À chaque patient atteint d’une maladie grave ou qui décède, si je rentre et que je ne pense qu’à ça, là, j’aurais un problème. Mais ce n’est pas le cas. Bien sûr, certaines situations, j’y pense encore à la maison. Et comme le Luxembourg est petit, parfois, tu as des patients que tu connais et ça, ce n’est pas toujours évident. Et si tu vois la personne, que tu sais que tu ne la connaitras plus comme avant, suite à un accident, là c’est parfois un peu délicat.

Je vais souvent à des congrès, surtout pour apprendre sur les appareillages par exemple mais aussi sur des sujets qui nous intéressent pour développer nos connaissances.

Est-ce que vous assistez parfois à des congrès ?

Claude : Oui, je vais souvent à des congrès, surtout pour apprendre sur les appareillages par exemple mais aussi sur des sujets qui nous intéressent pour développer nos connaissances. On en a fait un au Rehazenter d’ailleurs, il y a quelques années, sur les appareillages. Des prothésistes sont venus pour nous montrer ce qu’il existe sur le marché, sur quoi on doit faire attention, différents médecins sont venus pour expliquer la façon de travailler dans d’autres hôpitaux. C’est toujours intéressant de voir comment nous, on travaille mais aussi comment les autres font pour confirmer qu’on fait bien notre travail ou pour se dire « ah ben ça, on pourrait essayer », par exemple. Je fais aussi beaucoup de congrès en éthique. Je fais partie du comité d’éthique au Rehazenter, comité qui existe dans tous les hôpitaux au Luxembourg comme le prévoit la législation. Nous, on travaille avec les établissements de Colpach et Steinfort. On se réunit à peu près 3 fois par an et on discute sur différents sujets d’éthique, les problèmes qu’on a rencontrés, tout ce qui concerne l’éthique et la prise en charge des patients, s’il y a eu des problèmes. On discute sur les différents sujets d’actualité, sur les soins palliatifs par exemple. J’étais récemment à un congrès à Avignon pendant lequel nous avons parlé du « refus de soins ». C’était très intéressant de mieux comprendre pourquoi quelques patients refusent certains soins mais aussi de nous remettre en question si nous, on refuse un soin alors que le patient le demande et qu’on considère que ce n’est pas important ou qu’on veut faire autrement, c’est aussi un refus de soin. Je trouve que c’est important, en tant que personnel de santé, de participer à différents congrès, des formations qu’on choisit soi-même, même si c’est simplement pour écouter comment font les autres, ce qu’ils ont à dire, entendre les propos de certains philosophes. Ça ouvre vraiment l’esprit et ça change un peu mon attitude. On a toujours une attitude où on se dit « ben oui, je fais ça depuis 20 ans et ça a toujours été comme ça » mais quand on entend la façon de faire des autres, c’est très enrichissant et c’est important de rester ouvert à ces différences.

 

Je fais partie du comité d’éthique au Rehazenter.

 

Il n’y a pas que la technique qui évolue, il y a aussi les mentalités ?

Claude : Ah oui ! Aussi, avec la migration, nos patients sont de différentes cultures. On rencontre beaucoup plus de cultures aujourd’hui qu’il y a 20 ans. Tu dois t’adapter à ce changement et essayer de garantir la meilleure prise en charge.

 

On se réunit à peu près 3 fois par an et on discute sur différents sujets d’éthique, les problèmes qu’on a rencontrés, tout ce qui concerne l’éthique et la prise en charge des patients, s’il y a eu des problèmes. On discute sur les différents sujets d’actualité, sur les soins palliatifs par exemple.

 

Comment faites-vous pour jongler avec les langues dans votre service ?

Claude : Moi, je parle luxembourgeois, allemand, français et anglais. Mais il y a aussi d’autres langues : le portugais, l’italien, diverses langues des pays slaves, le polonais et là, récemment, l’ukrainien donc, ça commence à être compliqué avec les formations continues en langues, si on veut apprendre des langues en plus de notre activité. À l’époque, j’avais pris quelques cours d’espagnol juste pour avoir certaines bases. Mais en fait, on est exposé à beaucoup de langues et ce qu’on a fait depuis peu, on utilise beaucoup le Google translateä pour faire les traductions, même si c’est pas toujours très professionnel mais c’est compréhensible et les mots clés, de base, « vous avez faim, soif, douleurs, des nausées »… Les mots, les bases, je trouve que c’est très fiable. Pour le quotidien, ces astuces sont bien pratiques.

Il n’y a pas que la langue, il y a aussi la culture. Vous pouvez aussi vous retrouver avec des personnes qui ont une perception de la maladie qui peut être totalement différente aussi.

Très juste et on en a parlé lors du congrès sur l’éthique. On a eu un témoignage très intéressant venant d’un médecin qui sous-entendait que l’homme étant la personne forte, ne peut être atteint de certaines maladies. Il nous a raconté que quand il était enfant, il ne voyait pas bien. Son instituteur l’a signalé à son père mais ce dernier ne voulait rien savoir car son fils ne peut avoir de faiblesse et doit bien voir. Ces expériences et ces témoignages t’ouvrent l’esprit pour prendre en charge des personnes avec des perceptions différentes, tu comprends tout simplement mieux. Si le médecin annonce un diagnostic à une personne et celle-ci ne veut pas le comprendre… il faut que nous, on comprenne aussi qu’il existe différents moyens de communiquer et expliquer différemment certaines choses aux personnes.

Est-ce que vous vous voyez travailler dans un autre service ?

Claude : Je ne pense pas qu’on peut dire aujourd’hui qu’on restera tout sa vie dans tel domaine. Ça, je ne sais pas. J’en suis à mon deuxième job : plus de 5 ans au tricentenaire puis aujourd’hui, 14 ans au Rehazenter. Je peux tout de même très bien m’imaginer, dans quelques années ou selon la situation, faire autre chose. Je ne me vois pas maintenant dans une salle d’opération. Ça, ce n’est plus mon domaine, même si on est polyvalent, je pense qu’il faut quand même rester dans un certain cadre du job. Ce qui m’intéresse beaucoup aussi, c’est la médecine tropicale et tout ce qui est « aide humanitaire ». Même si je n’ai pas pu partir après avoir été post-gradué en médecine tropical, c’est tout de même un projet qui reste très présent en moi. Grâce à cette formation, je donne d’ailleurs cours aux élèves infirmiers au LTPS, une fois par an. Je leur explique les différentes pathologies tropicales. Ce qui est très intéressant parce que volet pédagogie m’intéresse aussi.

 

Pour en savoir plus, retrouvez le vidéo témoignage de Claude.